L’année 2013, dont seul le 1er semestre avait pu être pris en compte dans l’édition précédente du rapport de l’observatoire, a été marquée par la poursuite de la hausse globale des prix agricoles observée depuis 2010, mais à un rythme moins élevé qu’auparavant : +1,5% en 2013, contre +5,9% en 2012 et +12,7% en 2011. Cette hausse avait alors été transmise de façon plus ou moins amortie aux prix à la consommation alimentaire, qui ont poursuivi leur progression : +1,4% en 2013, contre +2,8% en 2012 et +1,7% en 2011. Après ces années de hausse globale des prix agricoles et alimentaires, l’année 2014 se caractérise par un recul des prix à la production (à l’exception, notamment, du lait de vache et du blé dur), de l’ordre de -5% par rapport à 2013, moyenne masquant des baisses encore plus importantes pour les bovins (-6%) et les porcins (-8%). Un repli global s’observe également en 2014 pour les prix des produits des industries alimentaires qui diminuent en moyenne de près de 2%, et pour les prix à la consommation alimentaire qui baissent en moyenne de 0,7%, première baisse annuelle observée depuis plusieurs années. Il est important de souligner que cette diminution des prix alimentaires constatée au niveau global en 2014, n’est pas généralisée à tous les produits et n’est pas systématiquement observée en cas de baisse des prix à la production agricole. Pour les produits carnés, considérés globalement au travers des indices de l’INSEE, la baisse des prix à la production en 2014 (-6% à -8% selon les produits) s’accompagne d’une hausse modérée des prix au détail (moins de 1%). Le suivi spécifique de l’observatoire, réalisé sur quelques produits de grande consommation issus des filières viandes, conduit au même constat en viande bovine ou sur le jambon. En revanche, les produits frais de longe de porc et le poulet entier ou en découpes suivent le mouvement général de baisse des prix de détail (baisse souvent modeste) concomitante de celle des prix à la production (baisse plus importante). Ainsi, en aval de la production agricole (industrie, distribution), ces évolutions différentes et parfois divergentes des prix amont et des prix aval ont eu pour effet une amélioration des marges brutes, dans l’industrie et / ou dans la grande distribution, même en étant parfois assortie d’une baisse des prix de vente (cas de l’industrie en viande bovine, par exemple). Si l’industrie restaure quelque peu ses marges, le secteur de l’élevage voit ses résultats se dégrader en 2014, la baisse des prix des céréales et donc de l’alimentation animale ne compensant pas celle des produits animaux. Dans la grande distribution, la 3ème enquête annuelle de l’observatoire sur les coûts et marges des rayons confirme, pour l’année 2013, les résultats antérieurs mais avec des marges nettes en baisse dans plusieurs rayons, par rapport à 2012. En moyenne, les rayons charcuterie et volailles dégagent une marge brute suffisante pour couvrir leur quote-part des charges communes des magasins, laissant une marge nette de 5% à 6% du chiffre d’affaires. En revanche, le rayon boucherie, bien qu’évidemment essentiel à la fréquentation des magasins et donc à leur bénéfice global, présente encore une marge nette négative. En 2013, la hausse des prix des produits de l’élevage (bovins, surtout) avait entraîné, selon les produits suivis par l’observatoire, au mieux le maintien de la marge brute de la distribution (transmission intégrale de la hausse au consommateur) et parfois sa réduction («amortissement» de la hausse des prix) ; la restauration des marges sur certains produits carnés observés en 2014 pourrait se traduire par une amélioration des résultats d’ensemble des rayons concernés en 2014… A confirmer dans la prochaine édition du rapport de l’observatoire. Dans la filière laitière, les indices INSEE du prix à la consommation de l’ensemble des produits laitiers d’une part et du prix du lait à la production d’autre part montrent tous deux une augmentation en 2014. A la consommation, les évolutions sont assez contrastées par produit comme l’indique les décompositions de prix au détail réalisées par l’observatoire : toujours en 2014, le prix moyen du lait UHT au détail en GMS augmente sans toutefois répercuter l’intégralité de la hausse du coût en matière première (l’industrie et la distribution diminuent leurs marges brutes). Même constat pour l’emmental mais « l’amortissement » de la hausse du coût-matière par les deux maillons de l’aval est encore plus important. Au contraire, pour les yaourts nature, en moyenne, la hausse du coût-matière paraît intégralement transmise par l’aval mais elle est en fait totalement absorbée par l’industrie, qui ne vend pas plus cher en 2014 qu’en 2013. La hausse du prix au détail découle donc de celle de la marge brute la distribution, qui restaure en 2014 un niveau qui avait été réduit en 2013. Ceci illustre la difficulté de tirer des généralités sur ces évolutions : la tendance générale (évolution tous produits laitiers confondus) résulte moins du suivi d’évolutions parallèles par toutes les familles de produits qu’elle n’est le résultat de mouvements contrastés aboutissant à des péréquations et des compensations, entre produits et d’une année sur l’autre. Les exploitations laitières (lait de vache) améliorent, - en moyenne -, leurs résultats grâce à la hausse du prix du lait et à la baisse des prix de l’alimentation animale : le « prix simulé » du lait, calculé par l’observatoire (prix assurant le maintien de la marge sur consommations intermédiaires à un niveau antérieur de référence, inflation incluse) est ainsi rejoint par le prix réel en 2014. Dans les entreprises de transformation laitière, la hausse des prix du lait en 2014 a eu des effets contrastés sur les marges brutes selon les produits de grande consommation (PGC), car le coût en matière première de chaque PGC intègre la valorisation de son ou ses coproduits industriels spécifiques. D’où une relation complexe, et plus lâche que dans les filières carnées, entre prix agricoles et prix alimentaires. En GMS, le rayon des produits laitiers est le plus important des rayons frais en termes de chiffre d’affaires, le taux de marge nette estimé par l’observatoire, de l’ordre de 2%, s’applique donc à une masse conséquente. Les marges brute et nette de ce rayon sont en diminution en 2013 par rapport à 2012, dans un contexte de concurrence forte entre enseignes. La filière blé-farine-pain se caractérise en 2014 par une baisse de 15% du prix de sa matière première, le blé tendre, une baisse de 2% du prix de la farine boulangère pour circuit artisanal et la quasi stabilité du prix de la baguette de pain. La meunerie améliore le niveau de sa marge brute, ainsi que l’ensemble de l’aval de la filière. Les comptes 2012 (les derniers disponibles pour ce rapport) du secteur de la meunerie montraient l’impact des cours du blé, en hausse, sur le résultat courant (négatif) : le retournement de conjoncture du blé tendre amorcé en 2013 et poursuivi en 2014 pourrait se traduire par une amélioration des comptes du secteur, sous réserve que les prix d’achat de la meunerie aient bien suivi l’évolution moyenne des cours du blé à la production. En GMS, les rayons boulangerie-pâtisserie-viennoiserie recouvrent une certaine diversité d’organisation (depuis le simple « point chaud » jusqu’à l’atelier de fabrication complète) mais, en moyenne, le rayon se distingue de tous les autres par ses taux de valeur ajoutée ou de marge brute, élevés du fait de l’activité de transformation. La contrepartie est l’importance des coûts directs en main d’œuvre et, toutes autres charges réparties, une marge nette négative. La relation entre prix du blé et prix du pain est assez lâche, du fait de « l’amortissement » des variations du prix du blé opéré par la meunerie et de l’importance des autres charges (dont main-d’œuvre) dans la fabrication et la distribution. Pour les pâtes alimentaires, la situation est bien différente : la matière première, le blé dur, a vu son prix, devenu très volatil depuis 2005, s’envoler en 2014 du fait d’une diminution de l’offre (en France et au Canada, principal pays producteur). La hausse, +20% par rapport à 2013, intervient toutefois au cours du second semestre 2014 et, compte tenu du décalage dans la transmission des prix en aval, du fait notamment de la longueur des contrats, l’impact sur le prix des pâtes au détail ne se manifeste pas cette année. Au contraire, les pâtes sont l’un des produits alimentaires dont le prix à la consommation baisse sensiblement en 2014 : -3%, contribuant à la baisse de l’indice des prix à la consommation alimentaire. L’industrie de la semoulerie et de la fabrication de pâtes fait face à une volatilité accrue du prix de sa matière première, qui ne fait d’ailleurs pas l’objet de mécanismes de couverture (pas de marché à terme du blé dur). Les variations importantes du coût-matière sont transmises vers l’aval, de façon amortie et avec un certain délai, d’où des taux moyens de résultat courant sur chiffre d’affaires très fluctuants d’une année à l’autre dans ce secteur. Les fruits et légumes sont suivis par l’observatoire au travers d’une vingtaine de produits et de deux « paniers saisonniers», l’un de fruits, l’autre de légumes, dont la composition varie chaque semaine. Après une année 2013 caractérisée par une forte hausse des prix moyens du panier de fruits, sous l’effet d’une offre réduite par des aléas climatiques, 2014 pâtit d’une offre abondante puis d’une météorologie estivale fraîche moins favorable à la consommation. Les prix à l’expédition, les prix au détail et la marge brute au détail sont en baisse. Le panier de légumes présente courant 2013 un prix à l’expédition en baisse et un prix au détail en hausse, jusqu’à ce qu’une correction s’opère, avec une diminution du prix au détail, plus forte que celle du prix à l’expédition. L’année 2014 est marquée par un nouveau recul des prix lié à l’offre plus abondante de certains produits alors que la météorologie était moins favorable à la consommation des légumes d’été. Le rayon fruits et légumes des GMS présente en 2013 des résultats (marges brute et nette) en amélioration par rapport à ceux de 2012. La filière des produits de la pêche et de l’aquaculture n’est pas encore appréhendée de façon pleinement satisfaisante par l’observatoire, s’agissant du moins du suivi conjoncturel des prix et des marges brutes pour quelques produits représentatifs (manque de données de prix pertinentes notamment aux stades intermédiaires). En revanche, le rayon poissonnerie des GMS fait partie des rayons alimentaires de la grande distribution suivis par le dispositif mis en place en 2012. Ce rayon apparaît en 2013 comme en 2012 comme l’un des moins « individuellement rentables », sous l’effet notamment de l’importance du personnel dédié (vente assistée traditionnelle) et des pertes de produits (liées à leur grande périssabilité). « L’euro alimentaire » constitue le volet macroéconomique des travaux de l’observatoire. Il quantifie le partage de la dépense alimentaire annuelle nationale entre, d’une part, les importations (importations d’aliments et d’intrants intervenant à des degrés divers dans la production et la distribution des aliments : pétrole, par exemple) et d’autre part, les différentes branches de l’économie nationale, dont une partie au moins de l’activité desquelles est induite par la demande alimentaire, directement (agriculture, industries alimentaires, commerce alimentaire) et indirectement (autres industries et services dont la production concourt, de près ou de loin à la production et à la distribution de biens alimentaires). Il s’ensuit une répartition de la dépense alimentaire sous forme de valeur ajoutée (c'est-à-dire de ressource permettant la rémunération du travail et du capital) dans chacune de ces branches. Compte tenu des délais d’obtention des données indispensables au calcul de cette répartition, l’ « euro alimentaire » du présent rapport n’est décomposé que jusqu’en 2010, reprenant les résultats déjà publiés dans La Lettre de l’observatoire n° 5. En 2010, dans 100 € de dépense alimentaire (en magasins, hors restauration hors foyer – RHF -) : § la production agricole nationale nécessaire représente 19 € ; § les valeurs créées en amont de l’agriculture (industries, commerces, transport) totalisent 58 € ; § les aliments importés pèsent 13 € ; § et les taxes sur les produits se montent à 10 €. La décomposition des deux premiers agrégats ci-dessus (production agricole nationale nécessaire, valeurs créées en amont de l’agriculture) fait apparaître que 100 € de dépenses alimentaires en 2010 génèrent : § des valeurs ajoutées, pour 63 €, réparties dans les différentes branches de l’économie nationale : o 8 € pour l’agriculture, o 10 € pour l’industrie alimentaire, o 18 € dans les services, o 21 € dans les commerces ; § des importations de produits intermédiaires (pétrole, par exemple), pour près de 14 € § et les importations d’aliments (13 €) § et les taxes (10 €) déjà citées. Les calculs permettent aussi d’analyser l’origine du revenu agricole par type de demande : § la demande de produits alimentaires (hors RHF) concourt pour 36% à la formation de l’EBE de la branche agricole ; § la demande adressée à la branche des hôtels et restaurants, pour 5% ; § les autres demandes nationales (dont en produits agricoles pour usage non alimentaire) : 9% ; § les exportations de produits agricoles et alimentaires : 26% ; § et les subventions : 29%.